La durabilité et la responsabilité sociale des entreprises sont devenues des enjeux majeurs dans le monde des affaires contemporain. Les parties prenantes, qu’il s’agisse des investisseurs, des consommateurs ou des régulateurs, exigent une transparence accrue concernant les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des entreprises. Dans ce contexte, l’Union européenne a introduit la Directive sur le Reporting de Durabilité des Entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive – CSRD) pour harmoniser et renforcer les obligations de reporting en matière de durabilité. Cet article explore l’histoire de la CSRD, son évolution, ses implications actuelles et ses perspectives futures.
Historique du Reporting de Durabilité en Europe
Les Premières Initiatives
Avant l’introduction de la CSRD, l’Union européenne avait déjà mis en place des cadres pour encourager les entreprises à divulguer des informations non financières. La Directive 2014/95/UE, connue sous le nom de Directive sur le Reporting Non Financier (Non-Financial Reporting Directive – NFRD), obligeait certaines grandes entreprises à publier des informations relatives aux questions environnementales, sociales, de droits de l’homme et de lutte contre la corruption. Cependant, cette directive présentait des lacunes, notamment en termes de portée limitée et de manque d’harmonisation des informations divulguées.
L’Émergence de la CSRD
Reconnaissant les insuffisances de la NFRD et l’importance croissante des enjeux de durabilité, la Commission européenne a proposé, en avril 2021, la CSRD pour réviser et renforcer les exigences de reporting non financier. L’objectif principal était d’élargir le champ d’application, d’améliorer la cohérence et la comparabilité des informations divulguées, et de répondre aux besoins des investisseurs et autres parties prenantes en matière de données ESG fiables.
Les Principales Caractéristiques de la CSRD
Extension du Champ d’Application
Contrairement à la NFRD, qui s’appliquait uniquement aux grandes entreprises d’intérêt public dépassant certains seuils, la CSRD élargit son champ d’application à toutes les grandes entreprises et à toutes les sociétés cotées sur les marchés réglementés de l’UE, à l’exception des micro-entreprises. Cela signifie qu’un nombre beaucoup plus important d’entreprises est désormais concerné par ces obligations de reporting.
Pour en apprendre plus, veuillez consulter notre article : CSRD : QUI QUAND COMMENT?
Introduction de la Double Matérialité
La CSRD adopte le concept de « double matérialité », exigeant des entreprises qu’elles divulguent non seulement l’impact des questions de durabilité sur leur performance financière, mais aussi l’impact de leurs activités sur la société et l’environnement. Cette approche holistique vise à fournir une image complète des interactions entre l’entreprise et son environnement.
Normes Européennes de Reporting de Durabilité
Pour garantir la cohérence et la comparabilité des informations, la CSRD prévoit l’élaboration de normes européennes de reporting de durabilité (European Sustainability Reporting Standards – ESRS). Ces normes détaillent les informations spécifiques que les entreprises doivent divulguer et sont élaborées en consultation avec diverses parties prenantes, y compris les autorités nationales, les entreprises et la société civile.
Vérification et Assurance
Une autre nouveauté majeure de la CSRD est l’obligation pour les entreprises de faire vérifier les informations de durabilité par un auditeur ou un certificateur indépendant. Cette exigence vise à renforcer la fiabilité des données divulguées et à accroître la confiance des parties prenantes dans les rapports de durabilité des entreprises.
Pour en apprendre plus, veuillez consulter notre article : CSRD : Quelles sont les contraintes ?
Mise en Œuvre et Défis Actuels
Calendrier de Mise en Œuvre
La CSRD est entrée en vigueur le 1er janvier 2024, avec une mise en œuvre progressive des obligations de reporting. Les grandes entreprises d’intérêt public sont les premières concernées, suivies par d’autres grandes entreprises et, finalement, par les petites et moyennes entreprises cotées. Cette approche échelonnée vise à donner aux entreprises le temps nécessaire pour s’adapter aux nouvelles exigences.
Défis pour les Entreprises
La mise en conformité avec la CSRD représente un défi majeur pour de nombreuses entreprises. Les coûts de mise en conformité sont significatifs, avec des estimations allant jusqu’à 150 000 euros par an pour les entreprises non cotées et jusqu’à 1 million d’euros pour les entreprises cotées. Ces coûts incluent la collecte de données, la formation du personnel, la mise en place de systèmes de reporting et les frais d’audit.
De plus, certaines entreprises expriment des préoccupations quant à la complexité et à la lourdeur administrative associées aux nouvelles obligations de reporting. Il existe également des craintes que ces exigences puissent conduire à des pratiques de « social-smoothing », similaires au greenwashing, où les entreprises pourraient présenter une image embellie de leurs performances en matière de durabilité
Perspectives Futures
Harmonisation et Simplification
Des voix s’élèvent pour plaider en faveur d’une simplification et d’une harmonisation des règles de gouvernance des entreprises en Europe. Les rapports récents d’Enrico Letta et de Mario Draghi à la Commission européenne soulignent la nécessité de créer un cadre commun qui inclurait des pratiques issues de différents pays de l’UE, telles que le modèle de la « société à mission » en France, la « Società Benefit » en Italie et la codétermination en Allemagne. Un tel cadre viserait à impliquer davantage les salariés dans la gouvernance et à intégrer des normes européennes de durabilité, renforçant ainsi la compétitivité de l’UE.