Mise à jour 26/2/2025 : Le 26 février, la Commission européenne a dévoilé le projet de réforme « Omnibus », qui assouplit les exigences de reporting extra-financier instaurées par la CSRD. Le texte doit encore être adopté par le Parlement européen. La situation reste évolutive et nous mettrons à jour le présent article lorsque la loi sera définitivement adoptée par le législateur.
Les nouvelles règles par taille d’entreprise (Omnibus)
- Entreprises de plus de 1 000 un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros : Pas de changement immédiat. Elles doivent continuer à se conformer à la CSRD, les éventuelles simplifications n’étant effectives qu’après l’approbation du Parlement européen.
- Entreprises de 500 à 1 000 salariés : Initialement tenues de produire un reporting en 2026, elles pourraient voir cette obligation repoussée à 2028. Beaucoup ayant déjà entamé des efforts, elles doivent persévérer, notamment pour respecter la DPEF française.
- Entreprises de moins de 500 salariés : Elles échappent à l’obligation réglementaire, mais celles engagées volontairement peuvent tirer parti de l’analyse de double matérialité pour renforcer leur attractivité auprès des investisseurs et clients.
Dans un monde où la transparence et la durabilité occupent une place croissante dans les attentes des parties prenantes, l’Union européenne a introduit la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), une directive ambitieuse visant à standardiser et améliorer les rapports sur la durabilité des entreprises. Adoptée en 2022, la CSRD marque une évolution significative par rapport à la précédente Non-Financial Reporting Directive (NFRD), en élargissant le champ des entreprises concernées et en imposant des obligations plus strictes. Mais quelles sont ces contraintes, quelles entreprises doivent s’y conformer, et selon quel calendrier ? Cet article explore ces questions en détail pour aider les professionnels à mieux comprendre et anticiper cette nouvelle réglementation.
Calcul des Contraintes CSRD
Qu’est-ce que la CSRD ?
La CSRD est une directive européenne qui oblige certaines entreprises à publier des rapports détaillés sur leurs performances en matière de durabilité, couvrant les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Elle vise à répondre à la demande croissante d’informations fiables et comparables sur l’impact des entreprises sur la société et l’environnement, ainsi que sur les risques ESG auxquels elles sont exposées. Contrairement à la NFRD, qui se limitait à environ 11 000 entreprises, la CSRD élargit son périmètre à environ 50 000 entreprises dans l’UE, tout en introduisant des normes de reporting uniformes et une vérification obligatoire.
Les Objectifs de la CSRD
Avant d’explorer les contraintes spécifiques, il est utile de comprendre les ambitions de cette directive :
- Transparence accrue : Fournir aux investisseurs, consommateurs et autres parties prenantes des données claires sur les impacts et risques ESG.
- Comparabilité des informations : Grâce à des normes communes, les rapports ESG seront plus cohérents et comparables à travers l’UE.
- Promotion de la durabilité : Encourager les entreprises à intégrer les enjeux ESG dans leurs stratégies pour soutenir les objectifs du Green Deal européen.
- Confiance des investisseurs : Offrir des données vérifiées pour guider les décisions d’investissement vers des modèles économiques durables.
Ces objectifs sous-tendent les contraintes pratiques que les entreprises devront respecter.
Types d’Entreprises Concernées
La CSRD s’applique à une variété d’entreprises, avec des critères précis définissant son champ d’application :
- Grandes entreprises : Toute entité dépassant deux des trois seuils suivants :
- Plus de 250 employés,
- Un chiffre d’affaires annuel supérieur à 40 millions d’euros,
- Un total de bilan supérieur à 20 millions d’euros.
- Entreprises cotées sur un marché réglementé de l’UE : Cela inclut les grandes entreprises cotées ainsi que les PME cotées, à l’exception des micro-entreprises (moins de 10 employés et un chiffre d’affaires ou bilan inférieur à 2 millions d’euros). Les PME cotées bénéficieront toutefois de normes simplifiées.
- Filiales de grandes entreprises non-européennes : Les entreprises hors UE dont le chiffre d’affaires dans l’UE dépasse 150 millions d’euros devront produire des rapports consolidés au niveau du groupe, si elles répondent aux critères de taille.
- PME non cotées (indirectement) : Bien qu’elles ne soient pas directement soumises à la CSRD, les PME non cotées faisant partie de la chaîne de valeur des entreprises concernées pourraient être tenues de fournir des données ESG à leurs partenaires ou clients.
Cette extension du périmètre reflète la volonté de l’UE d’intégrer un plus grand nombre d’acteurs économiques dans la transition vers la durabilité.
Les Contraintes Spécifiques de la CSRD
La CSRD impose des obligations précises aux entreprises concernées, qui devront adapter leurs processus et systèmes pour se conformer. Voici les principales contraintes :
1. Publication de Rapports Annuels sur la Durabilité
Les entreprises devront inclure dans leur rapport de gestion annuel des informations détaillées sur leurs performances ESG. Cela comprend :
- Une description de leur modèle d’affaires et de leur stratégie de durabilité,
- Les politiques mises en place pour gérer les risques ESG,
- Les objectifs de durabilité fixés et les progrès réalisés,
- Les impacts, risques et opportunités liés aux enjeux ESG.
Ces informations doivent être intégrées dans le rapport annuel, rendant la durabilité aussi centrale que les données financières.
2. Utilisation de Normes de Reporting Communes
La CSRD introduit les European Sustainability Reporting Standards (ESRS), élaborées par l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG). Ces normes définissent :
- Les indicateurs ESG à rapporter,
- Les méthodologies de collecte et de présentation des données,
- Les formats standardisés pour garantir la comparabilité.
Les entreprises devront se familiariser avec ces normes, encore en cours de finalisation, pour assurer une conformité totale.
3. Principe de Double Matérialité
Une innovation clé de la CSRD est l’approche de la double matérialité, qui exige des entreprises qu’elles évaluent et rapportent :
- Matérialité externe : L’impact de leurs activités sur l’environnement et la société (par exemple, émissions de CO2, conditions de travail dans la chaîne d’approvisionnement),
- Matérialité financière : Les risques ESG susceptibles d’affecter leur performance économique (comme les coûts liés au changement climatique).
Cette approche duale demande une analyse approfondie et une intégration des enjeux ESG à tous les niveaux de l’entreprise.
4. Vérification par des Tiers
Pour garantir la fiabilité des rapports, la CSRD exige une vérification par un tiers indépendant (auditeurs ou experts agréés). Initialement, cette vérification sera sous forme d’assurance limitée (vérification de la conformité des processus), mais elle pourrait évoluer vers une assurance raisonnable (vérification approfondie des données) à plus long terme. Cela ajoute une couche de rigueur et de coût à la démarche.
5. Format Numérique et Accessibilité
Les rapports devront être publiés dans un format numérique standardisé (XHTML) et rendus accessibles via le futur European Single Access Point (ESAP), une plateforme centralisée de l’UE. Cela nécessite des compétences techniques supplémentaires pour assurer la conformité au format requis.
Timing et Mise en Œuvre
La CSRD sera mise en œuvre progressivement, avec des dates d’application échelonnées selon le type d’entreprise. Voici le calendrier détaillé :
- 1er janvier 2024 : Les entreprises déjà soumises à la NFRD (grandes entreprises d’intérêt public avec plus de 500 employés) devront appliquer la CSRD pour leurs rapports publiés en 2025, relatifs à l’exercice 2024.
- 1er janvier 2025 : Les autres grandes entreprises (dépassant deux des trois seuils : 250 employés, 40 M€ de CA, 20 M€ de bilan) devront se conformer pour les rapports publiés en 2026, relatifs à l’exercice 2025.
- 1er janvier 2026 : Les PME cotées (hors micro-entreprises) devront appliquer la CSRD pour les rapports publiés en 2027, relatifs à l’exercice 2026, avec des normes simplifiées.
- 1er janvier 2028 : Les filiales de grandes entreprises non-européennes (CA > 150 M€ dans l’UE) devront produire des rapports consolidés pour les exercices à partir de 2028.
Les États membres doivent transposer la CSRD dans leur législation nationale d’ici juin 2024, ce qui laisse aux entreprises un délai pour se préparer avant les premières échéances.
Impact sur les Entreprises
La CSRD aura des répercussions significatives, à la fois en termes de défis et d’opportunités :
Défis
- Collecte de données : La mise en place de systèmes pour recueillir et analyser des données ESG fiables peut être complexe et coûteuse.
- Coûts de conformité : Les audits externes, la formation du personnel et l’adaptation des processus internes représenteront un investissement important.
- Adaptation aux normes : Les entreprises devront suivre l’évolution des ESRS et ajuster leurs pratiques en conséquence.
Opportunités
- Réputation renforcée : Une transparence ESG peut améliorer l’image de marque auprès des clients et des talents.
- Accès aux financements : Les investisseurs privilégiant les critères ESG seront plus enclins à soutenir les entreprises conformes.
- Avantage concurrentiel : Une adoption proactive des exigences CSRD peut positionner les entreprises comme des leaders dans leur secteur.
Conclusion
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) redéfinit les attentes en matière de transparence et de durabilité pour les entreprises européennes. En imposant des rapports ESG standardisés, vérifiés et accessibles, elle aligne les pratiques des entreprises sur les ambitions du Green Deal et répond aux exigences des parties prenantes. Si les contraintes qu’elle introduit – publication annuelle, normes spécifiques, vérification externe – représentent un défi, elles offrent aussi une opportunité de repenser les modèles d’affaires pour un avenir plus durable.
Pour les entreprises concernées, l’heure est à la préparation : mise en place de systèmes de collecte de données, formation des équipes et intégration de la durabilité dans la stratégie globale. En agissant dès maintenant, elles pourront non seulement respecter les échéances de la CSRD, mais aussi contribuer à une économie plus responsable et résiliente.